Bien débuter en tournage
Quelques concepts fondamentaux
Le tournage est l'action du potier sur la balle de terre, les gestes en seront détaillés et répétés au cours de l'apprentissage.
Il est cependant essentiel avant tout d'intégrer quelques notions fondamentales importantes qui permettront de grandement améliorer la qualité du tournage.
Je les ai classées en trois catégories principales :
La position de tournage
Le tournage nécessite d'appliquer de la force sur la balle de terre, mais une force contrôlée et stable.
Inutile de forcer ou de se faire mal car la force ne vient pas de muscles mais de la position du corps.
Aucun prérequis physique n'est nécessaire et on peut facilement monter en poids avec la bonne position de tournage.
Adopter une bonne position est essentiel :
- ça évite de se faire mal en forçant ;
- ça permet de bien contrôler la terre et donc de mieux tourner ;
- ça permet de tourner des poids de terre plus importants.
Donc il y a de grandes chances que ce soit un problème de posture si :
- vous ressentez des douleurs en tournant ;
- des gestes qui fonctionnaient auparavant ne fonctionnent plus ;
- vous n'arrivez pas à centrer ;
- vous n'arrivez pas à monter en poids.
Une bonne posture de tournage doit être dynamique, le dos droit :
- c'est le bassin qui fait pivot, jamais les lombaires, sinon attention aux douleurs en fin de séance ;
- la hauteur du tabouret est importante, le haut des cuisses doit se situer au dessus du bac de récupération, ce qui permettra d'utiliser les jambes comme soutien pour les bras (sinon le bac gêne) ;
- incliner son tabouret vers l'avant permet d'adopter plus facilement la bonne posture en mettant le corps en position dynamique, les tabourets de potier ont généralement quatre pieds réglables indépendamment pour cette raison ;
- les coudes ou les avant bras doivent toujours être calés sur le buste, les jambes ou le bac ;
- les deux mains sont, autant que possible, toujours en contact pour se stabiliser l'une l'autre et appliquent une force proportionnée.
Le contrôle de la vitesse
Il y a deux vitesses à contrôler :
- la vitesse du tour qui décroit généralement au fur et à mesure du tournage ;
- la vitesse des gestes qui doit être adaptée à celle du tour pour chaque geste la terre doit avoir le temps de faire au moins un tour complet, sinon la pièce vrillera.
La vitesse du tour
De manière générale, la vitesse est l'aliée du tourneur, il faut éviter de tourner trop lentement.
Pour le centrage notamment, le tour doit tourner vite, cela donne de la force aux gestes.
On baissera ensuite progressivement la vitesse au fur et à mesure que la pièce va s'affiner et se développer.
Mais attention à :
- à toujours garder une vitesse suffisante pour que la terre puisse faire au moins un tour à chaque position des mains
- à adapter la vitesse au diamètre de la pièce : on ralentit quand la pièce s'élargit et à l'inverse on accélère lorsqu'elle se resserre.
On n'arrête normalement jamais le tour pendant le tournage, sauf quelques exceptions : mesure de l'épaisseur du fond à l'aide de l'aiguille, dégagement du pied, arrachage de la pièce du tour.
La vitesse des gestes
La vitesse des gestes doit toujours être adaptée à celle du tour :
- plus le tour tourne vite, plus les gestes peuvent être rapides ;
- plus le tour tourne lentement, plus les gestes doivent être ralentis.
Cette règle est particulièrement importante à respecter lors des étapes de montée de terre et de mise en forme : les mains ne doivent pas se déplacer vers le haut avant que la terre ait eu le temps de faire au moins un tour complet.
La lubrification
La barbotine fluide assure un bon glissement de la terre entre les mains, celle-ci se forme par mélange de l'argile et de l'eau :
- Il faut donc régulièrement humidifier ses mains, idéalement entre chaque geste ;
- Il faut également les débarrasser des excès de barbotine qui peuvent accrocher.
Certains gestes, comme le centrage, le perçage ou les montées de terre, contraignent plus la terre et nécessitent davantage de lubrification.
D'autres à l'inverse, comme les geste de mise en forme, ne nécessitent aucun ajout d'eau.
Inutile de jeter de l'eau sur sa pièce ou sur la girelle : ça affaiblit la terre et ça finit dans le bac de récupération à caus de la force centrifuge.
Certains tourneurs préparent spécialement de la barbotine pour tourner avec, à la place de l'eau. C'est une bonne idée, mais cela ne concerne pas le centrage qui lui doit se faire avec de l'eau puisqu'il s'agit autant d'humidifier la balle que de la centrer.
Le malaxage
Avant de pouvoir travailler la terre en tournage ou en modelage, il faut préparer celle-ci de manière à l'homogénéiser, la débarrasser de bulles d'air éventuelles et aligner les particules d'argile.
Il existe différentes techniques pour préparer la terre :
Pour mélanger des terres de différentes consistances de manière homogène, il faut également, avant le malaxage, mélanger les terres en mille-feuille.
Le malaxage en tête de bélier
Il s'agit de la première technique que l'on apprend car c'est la plus facile à maîtriser.
Elle est adaptée pour le malaxage de pains de terre allant de 300g à 1kg, en dessous on lui préférera la technique du claquage de terre, au dela celle du coquillage.
Pour malaxer la terre, on place ses mains de part et d'autre de la balle de terre en tenant celle-ci entre les paumes qui se font face. On rapproche ensuite les pouces sur le dessus de la balle puis on presse la terre vers le bas et vers l'avant en veillant à ce que celle-ci roule sur la table.
Attention à ne pas écraser la terre sur la table, il faut la faire rouler vers l'avant.
Le résultat doit avoir l'apparence d'une tête de bélier, les deux cornes étant formées par les creux des paumes des mains, les yeux par le muscle situé sous le pouce et le menton étant formé par le roulage. Si la forme ne correspond pas, c'est que le geste n'est pas effectué correctement.
On effectue le geste une dizaine de fois, puis on roule terre sur elle-même vers soi en veillant bien à ne pas enfermer de bulles d'air à l'intérieur. Ensuite on peuttourner la balle d'un quart de tour et recommencer dans l'autre sens.
Lorsque le malaxage est terminé on claque vigoureusement la balle pour lui donner une forme ronde.
Le malaxage en coquillage
Lorsque le poids de terre que l'on souhaite malaxer est important, il devient impossible d'utiliser la technique en tête de bélier, il faut alors utiliser une méthode plus complexe à maîtriser mais bien plus puissante : le coquillage.
Les deux mains travaillent de manière indépendante, la main droite maintient le coeur du coquillage en l'empêchant de s'élargir et fait pivoter celui-ci autour de sa pointe ; la main gauche appuie fortement vers le bas afin de replier la terre sur elle même pour former les plis du coquillage, sans pour autant enfermer de bulle d'air.
On effectue ce mouvement d'une vingtaine à une quarantaine de fois selon le poids de terre à malaxer, puis on renforce l'action de la main gauche de manière à refermer le coquillage qui prend alors la forme d'un cône.
Ce cône peut directement être tourné, mais il peut également être transformé en boudin et coupé en plusieurs morceaux auxquels on donnera une forme ronde.
La vidéo de Hsin Chuen Lin sur le malaxage en coquillage (spiral wedging) :
https://youtu.be/vj6Kd8RSmVY
Claquer la terre entre ses mains
Lorsque le poids de terre à malaxer est très réduit (pour un bec de théière, un bouton de couvercle ou un petit bol par exemple), il peut être malaisé de pratiquer le malaxage en tête de bélier.
On lui préférera alors une méthode très simple qui consiste à couper la balle en deux entre ses deux mains en effectuant un geste de rotation, puis claquer fort les deux parties l'une contre l'autre pour reconstituer la balle.
On effetuera cette action une dizaine de fois.
Mélanger des terres différentes
Lorsque l'on doit utiliser des terres de consistance différente (si on dispose d'une terre trop dure ou au contraire trop molle) ou si l'on souhaite mélanger des terres de couleurs différentes, il faut procéder à un mélange soigneux pour s'assurer d'une bonne homogénéité de la balle.
Pour cela on va découper les morceaux de terres en tranches que l'on va empiler en les alternant. Ensuite on claque l'ensemble sur le bord de la table de travail en faisant dépasser à peu près la moitié et on le coupe verticalement en s'aidant du bord de la table.
On prend le morceau coupé, on le retourne horizontalement pour avoir les deux parties coupées face à soi et on le claque fortement sur l'autre morceau.
On reprend alors l'ensemble et on recommence jusqu'à ce que l'ensemble soit bien homogène. Alors seulement on peut passer à l'étape du malaxage selon l'une des trois techniques décrites ci-dessus.
Le centrage
Avant de pouvoir réaliser l'objet souhaité, il est indispensable de préparer la balle afin qu'elle ait la bonne consistance et qu'elle tourne rond. Pour s'assurer du centrage de la balle il suffit de poser un doigt sur le bas de la balle en rotation, celui-ci doit rester parfaitement immobile, c'est le signe que la balle est centrée.
Pour centrer facilement une balle, il est important de bien comprendre les principes du centrage.
L'homogénéisation de la balle et son centrage passent ensuite par trois étapes :
Principes du centrage
- Le centrage nécessite que le tour tourne vite (80 à 100% de la vitesse maximale) ;
- le poids du corps se porte sur le côté gauche car c'est la main gauche qui va principalement agir pendant toute cette phase ;
- le coude gauche est calé contre l'os du bassin ou à défaut l'intérieur de la jambe, l'idée étant de pouvoir faire avancer le bras vers la balle en avançant le buste (ou la jambe) plutôt qu'en utilisant la force moins grande du bras ;
- l'avant-bras doit être placé dans l'axe qui passe par le centre de la girelle et donc de la balle à centrer ;
- le bras gauche ne bouge pas du tout (sauf vers le haut et le bas pour accompagner les quilles).
Incliner le buste vers l'avant (ou avancer la jambe) sans bouger le bras du tout permet d'exercer une pression suffisante pour toutes les étapes du centrage.
Une vidéo de Jean-Luc Benoist qui reprend certains des principes énoncés dans cette fiche :
https://youtu.be/wV2WNFpaBdw
Préparation du centrage
Avant de centrer la balle, il faut placer celle-ci sur le tour :
- bien nettoyer la girelle et la sécher, si elle est humide, la balle risque de glisser dessus;
- si une pièce a déjà été tournée, on peut garder le petit tapis de terre (s'il est en bon état et exempt d'eau) cela aidera à fixer la balle nouvelle balle sur la girelle ;
- placer la balle au centre de la girelle en la lâchant d'une hauteur d'environ 50 cm (cela évite la formation de bulles d'air en dessous) le bras tendu afin de viser autant que possible le centre
- Recentrer la balle si nécessaire en la tirant doucement vers soi avec les deux mains jointes sans la décoller de la girelle
- Coller la terre du pourtour de la balle sur la girelle pour bien la fixer
Les quilles
Trois quilles permettent de bien finir d'homogénéiser la terre, d'en chasser d'éventuelles bulles d'air, d'humidifier la terre de manière homogène et de bien aligner les particules de l'argile pour assurer un bon tournage par la suite.
Les quilles se font en deux étapes à chaque fois : la montée et la descente. Il faut savoir que c'est la descente de la quille qui va centrer la terre et non la montée.
La montée de la quille
La main gauche est stabilisée dans la position décrite ci-dessus, elle se positionne sur la balle (c'est le buste et non le bras qui approche la main de la balle) et doit rester bien stable, sinon il sera impossible de centrer.
Les doigts de la main droite se glissent alors sous ceux de la main gauche et exercent un mouvement de pince qui réduit le diamètre alloué à la terre, celle-ci n'a pas d'autre choix que de monter.
Au fur et à mesure que la quille se forme, les deux mains accompagnent la terre jusqu'au sommet de la quille en exerçant une pression constante.
Attention, la terre ne doit pas accrocher dans les mains, il faut donc régulièrement humidifier celles-ci.
La descente de la quille
Une fois le cône formé, il faut le redescendre sous forme de balle.
La main gauche se place dans la même position que précédemment vers le sommet de la quille et la partie de la paume située sous le pouce pousse doucement le haut de la quille vers l'avant pour la décentrer. On doit alors sentir la terre commencer à descendre.
La main droite accompage alors le geste en appuyant doucement vers le bas.
La main gauche contrôle le centrage, toujours dans la même position.
Attention à bien descendre la terre jusqu'à la girelle afin de centrer toute la balle.
Finir le centrage
Normalement les trois quilles décrites ci-dessus sont suffisantes pour obtenir une balle homogène et parfaitement centrée. Si tel n'est pas le cas, ou si la forme de la balle ne correspond pas à la forme que l'on souhaite réaliser, on peut finir le centrage par un geste de confirmation en trois temps.
La position de ma main gauche est exactement la même que pour la montée des quilles, avec la même exigence de stabilité, et on positionne le pouce de la main gauche sur le dessus de la balle.
On réduit un peu la vitesse du tour.
C'est la main droite qui effectuera les trois étapes du centrage à savoir :
- Presser le premier centimètre en bas de la balle dans la main gauche afin de centrer cette partie ;
- Presser les pouces afin de centrer le dessus de la balle ;
- Presses le reste de la balle pour terminer le centrage.
Si l'objectif était également de modifier la forme de la balle, on insiste sur celui des trois gestes qui permet d'obtenir la bonne forme. On privilégiera une balle plutôt haute pour la réalisation de bols et une balle plutôt basse pour celle de cylindres.